Olivier Marro

Pas de quartier pour le cinéma !

Nice comptait encore au début des années 70, une quarantaine de salles de cinéma indépendantes. Aujourd’hui plus que deux !

Face à la prolifération des multiplexes/usines à pop-corn, face à l’incurie d’exploitants à la solde d’une industrie qui participa au génocide du cinéma de quartier et à la disparition de ces salles avec supplément d’âme – au profit de parkings, de fast-food, de banques – nous avons regardé ailleurs, baissé les yeux vers le téléviseur. On peut supposer que cet entonnoir culturel défricha le terrain à la pensée unique faisant du septième art, son allié, décomplexé au-delà de ce que Jean-Luc Godard pouvait imaginer : « Le cinéma n’a jamais fait partie de l’industrie du spectacle mais de l’industrie des cosmétiques, de l’industrie des masques, succursale elle-même de l’industrie du mensonge. »

En pointant ce nouvel effet pervers de la société du spectacle, j’ai aussi souhaité remettre dans la lumière ces salles obscures de mon enfance avec programme « permanent ». Des cinémas qui sont, à bien y regarder, les membres d’une famille d’adoption, les seuls qui continuent après l’extinction des feux à me visiter : J’ai un oncle qui s’appelle Tati. J’ai voulu me rappeler à leurs doux parfums, à leurs architectures atypiques, à leurs ouvreuses dont le faisceau électrique m’a guidé dans la plus délicieuse, la plus profonde des nuits, vers mes premiers émois… de « cinéfils ».

« La première séance a lieu le 28 février 1896 à l’Eldorado, 10 rue Garnier, devenue rue de la Liberté. Par la suite, des théâtres et des music-halls se reconvertissent dans la cinématographie, tandis que des salles sont construites directement pour le Septième art. Vers le milieu du XXe siècle, Nice compte une quarantaine de salles. Les plus vastes et les plus belles, parfois dotées de balcons et d’un toit ouvrant sur le ciel pour les séances estivales, se trouvent dans le centre. L’Escurial, inauguré en 1930, célèbre pour ses fresques représentant des scènes de la Rome antique, compte 1400 places et se situe avenue Georges Clemenceau. Sur l’avenue de la Victoire, aujourd’hui Jean Médecin, se succèdent le Cluny, alias Français, Etoile, Ciné-Club …, le Balzac ex-Fémina, l’Actual-Palace ouvert en 1919, devenu Palace-Cinéma, Parisiana, Cinéma de Paris, Paris-Palace et actuellement Pathé-Paris, l’Apollo, le Monte-Carlo, le Cinéac. Dans le centre se trouvent également le Royal, bon représentant du style art-déco, ouvert en 1934 sur l’avenue Malausséna, le Variétés et l’Olympia boulevard Victor Hugo, le Casino boulevard Jean Jaurès, le Mondial, nommé ensuite Paramount, et le Cinétoile rue de la Liberté, l’Hollywood boulevard Raimbaldi, le Ritz rue Masséna, le Vog rue Alberti, le Rex rue Paganini, l’Excelsior plus tard Gaumont-Concorde, puis K7 rue Pastorelli, l’Edouard VII et le Windsor qui s’appela aussi Ruhl, Ruly, Elysée, rue de France, le Studio 34 rue du maréchal Joffre, le grand Rialto rue de Rivoli. Un peu plus excentrés sont le Forum sur la Promenade des Anglais, le Politéama, devenu Mercury, sur la place Garibaldi, le Central place du Pin.

Nice compta enfin de nombreux cinémas de quartier, comme le California, le Magnan, le Carras à l’ouest de la ville, le Plaza place Alexandre Médecin, l’Esplanade place de l’Armée du Rhin, le Colisée boulevard Auguste Raynaud, le Vox à Saint-Roch, le Star à Riquier, le Lux boulevard de Cessole, le Capri, le Familial, le Jeanne d’Arc, le Rio à l’Ariane… »
Ralph SCHOR (in Dictionnaire Historique du Comté de Nice, Serre Editeur, 2002)

 Après avoir appris en 1972, à danser le rock dans la campagne vauclusienne sur un Tepaz  au rythme de « Venus » des Shocking Blue, puis la contre-culture dans la cour du lycée du Parc Impérial, Olivier Marro fonde en 1981 un groupe de New-wave obscur dans une cave de Roquefort-les-pins puis intègre la famille du 7éme art via les studios de la Victorine et le papa des « Tontons flingueurs ». Quand les « Bananarama » reprennent en chœur en 1987 « Venus », au lieu de se tirer une balle dans le pied, fort d’un recueil de poésies « automatiques », il s’autoproclame journaliste. Depuis une dizaine d’années il pige pour la presse dont celle culturelle régionale (Coming Up, Art Cote D’Azur, Cote magazine etc.) tout en initiant quelques expositions pour l’association « Artsenal » dont « Monster of Sound » à l’Espace à Vendre. Il a signé également quelques préfaces de livres et catalogues (ICI NICE, Chiara Samugheo/Musée de la photographie André Villers, Cédric Tanguy/Chapelle de Vence, Miryan Klein etc.), une histoire du Rock azuréen et plus récemment un scénario de BD « Congo Océan » aux Editions Glénât.